
C’est une révolution à laquelle on se s’attendait pas dans l’industrie musicale : le retour en force du blues ! Avec des figures de proue telles que Jul et Orelsan, le rap semblait indétrônable. Mais en ce jour de « Blue monday », qu’un consensus de scientifiques qualifie de jour le plus déprimant de l’année, il semblerait bien que la crise institutionnelle et la baisse du pouvoir d’achat aient définitivement sapé le moral des français.
L’esclavage des afro-américains et la ségrégation dont ils ont été victimes sont les principaux thèmes abordés dans les premières chansons de blues. Établir un parallèle entre l’horreur que fût l’esclavage et les différentes crises que nous traversons serait bien entendu hasardeux, néanmoins certains osent franchir le pas. C’est le cas de Benoît, employé dans l’entrepôt Amazon de Lunéville : « ici, il y a ni clim ni chauffage, les cadences sont infernales, on n’a pas le temps de prendre de pauses ! » Puis il improvise quelques paroles en tapant sur un bidon métallique : « j’ai pas le temps d’fumer ma clope, j’vais finir par faire une syncope, oh yeah !!! Mississippi – Meurthe et Moselle, partout c’est la même ritournelle, oh yeahaeaeaeheahea !!! »
Du côté des maisons de disque, tout est mis en œuvre pour exploiter ce nouveau filon. Alors que Sony Music vient de racheter les droits de John Lee Hooker pour commercialiser un nouveau best-of, chez Universal on organise des castings sauvages dans les grandes exploitations maraîchères du sud de la France. « C’est là qu’on dénichera le nouveau B.B. King » nous confie une tête pensante de la célèbre major.
Chez Skyrock aussi on compte bien surfer sur la vague. La radio « première sur le rap » s’est donné pour objectif de devenir « première sur le blues » avant la fin de l’année. Le directeur d’antenne nous explique : « rock, rap, blues, peu importe ! L’important c’est d’être les premiers. Si demain la java revient à la mode, on sera les premiers à diffuser Georgette Plana et Fréhel. »
Si les crises sanitaires, financières et climatiques continuent à se succéder à un rythme aussi effréné, il y a fort à parier que le retour du blues s’inscrive dans la durée.